Rebaptisé « nouveau modèle énergétique », le projet de loi a été rendu public ce 18 juin. La CGT déplore que ce texte fasse une fois de plus l’impasse sur l’approche sociale essentielle : le droit à l’énergie pour tous. L’intérêt général n’est pas le moteur de ce texte qui pousse de nouveau vers des logiques libérales de marché.
Le projet de loi s’inscrit dans un contexte économique et politique qu’on ne peut ignorer : austérité et de forte réduction des dépenses publiques d’une part et cadeaux aux entreprises d’autre part.
Les grands objectifs sont réaffirmés : diminution de 40% des émissions de gaz à effet de serre, de 30% de la consommation de ressources fossiles et augmentation de la part du renouvelable à 32% à l’horizon 2030, diminution de la part du nucléaire de 75 à 50% d’ici 2025. La manière d’atteindre ces objectifs est peu détaillée et on en reste souvent au niveau des déclarations d’intention.
Si certains objectifs sont cohérents avec une politique climatique ambitieuse, d’autres relèvent de considérations que la CGT ne partage pas, tels la diminution par deux de la consommation énergétique, qui semble ignorer la réponse aux besoins des populations ainsi que la démographie dynamique du pays, ou encore la réduction à 50% de la part du nucléaire dans le mixe électrique qui rendra caduque l’engagement massif de la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre. La situation allemande illustre cette contradiction.
Les baisses de la consommation observées ces dernières années ne sont, pour l’essentiel, que l’expression des conséquences de la crise sur l’activité économique, de la disparition de l’industrie dans les territoires ainsi que de l’accroissement de la pauvreté énergétique.
Les transports, premier secteur émetteur de gaz à effet de serre et consommant ¼ de l’énergie totale du pays, ne sont abordés que sous le seul angle du véhicule électrique, alors que la question principale s’articule autour des transports collectifs, d’un véritable report modal vers les modes alternatifs à la route que sont le fret ferroviaire, fluvial et cabotage maritime.
L’isolation des bâtiments, qui sera rendue obligatoire par la loi lors de grands travaux, continuera à se heurter aux deux questions essentielles : celle de la filière professionnelle à mettre en place (emplois, formation) ainsi que celle des financements à dégager (plusieurs milliards par an) si des actions plus précises et plus ambitieuses ne sont pas engagées.
Dans ce texte, l’ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques au travers de Sociétés d’Économies Mixtes (SEM) est affirmée, malgré l’opposition et les alertes de toutes les organisations syndicales du secteur de l’énergie. En l’état, ce projet s’avère être la privatisation pure et simple de la production hydroélectrique nationale. C’est inacceptable !
La lutte contre la précarité énergétique prendrait désormais la forme d’un chèque énergie afin de s’étendre à plusieurs modes de production tel le fuel et le bois. Cela suffira-t-il car rien n’est dit sur les mécanismes, les montants et l’assiette et ce qu’il adviendrait des accompagnements sociaux actuels inclus dans les tarifs sociaux de l’énergie. La CGT estime que cette mesure de chèque énergie, qui vise à répondre à l’urgence d’un accès de tous à l’énergie, peut conduire, sans vision d’ensemble et de long terme, à ne pas apporter les réponses pertinentes et durables aux situations des personnes en situation de précarité énergétique.
A ce stade, la CGT alerte fortement pour rappeler qu’il est urgent de trouver des mécanismes satisfaisants pour sortir les 8 millions de personnes plongées dans la pauvreté énergétique en France d’autant plus qu’il est nécessaire d’inclure dans la réflexion la question du transport, qui, en l’absence d’accès à un service public de transport collectif, grève encore plus les budgets des ménages
Enfin, la volonté légitime de donner plus de place aux collectivités locales ou aux usagers ne doit pas fragiliser, voire mettre à bas, la cohérence nationale de l’organisation du secteur énergétique, seul à même de garantir l’égalité de traitement, la péréquation tarifaire ainsi que la solidarité entre territoires.
Comment va-t-on financer les grands axes mis en avant tel l’efficacité énergétique ? Tout est renvoyé aux lois de finances, ce qui laisse planer de très grosses interrogations sur le réalisme des propositions en période d’austérité budgétaire. L’incapacité du gouvernement à préserver le fleuron industriel Alstom, acteur majeur du secteur énergétique, rajoute au doute quant à la volonté réelle d’enclencher une véritable politique énergétique, au cœur du redressement industriel de notre pays.
Reste bien sûr la question de la maîtrise publique indispensable. Force est de constater que ce projet de loi est très éloigné de la proposition, portée par la CGT, de pôle public de l’énergie, qui permettrait que sur les questions de production énergétique, de réseaux et d’efficacité énergétique, les choix stratégiques puissent être décidés et contrôlés démocratiquement par les citoyens, les élus et les organisations de salariés au service de l’intérêt général.
La CGT appelle les salariés, les citoyens à se saisir de ces enjeux qui les concernent au premier chef afin d’exiger que le pays reprenne enfin la maîtrise du secteur énergétique.
Montreuil, le 3 juillet 2014