Alors même que, depuis plusieurs semaines, syndicats, associations et des dizaines de milliers de manifestants dénoncent la loi Sécurité globale et ses mesures liberticides, le gouvernement poursuit sa dérive autoritaire.
En catimini, le ministère de l’Intérieur a signé 3 décrets modifiant le code de la sécurité intérieure, élargissant ainsi les critères de fichage des citoyens par la police. Les 2 fichiers relatifs à la prévention des atteintes à la sécurité publique (police et gendarmerie) et le fichier qui sert de base aux enquêtes administratives (ex accès à certaines professions) sont donc modifiés en profondeur.
Ces décrets permettent aux autorités de collecter, conserver et traiter les données non plus seulement en fonction de « l’activité » mais, désormais, aussi en raison de « l’opinion politique », de « l’appartenance syndicale » ou bien encore des « convictions philosophiques ou religieuses ». On saisit donc rapidement la dangerosité de ce glissement.
De même, si, au départ, ces fichiers concernaient les personnes susceptibles de « prendre part à des activités terroristes », désormais, ces décrets visent aussi les atteintes à « l’intégrité du territoire ou des institutions de la République ainsi qu’à la sureté de l’État ». Autant dire que ces notions peuvent être sujettes à des interprétations très différentes et que nombres de militants, de manifestants, pourraient se retrouver fichés à leur tour.
La CNIL a, elle-même, alerté sur certains points ; elle avait, par exemple, recommandé d’exclure explicitement la possibilité de collecte automatique de données pour alimenter ce fichage mais sans être écoutée par le gouvernement. Sur le contenu des fichiers, voici quelques exemples « d’évolutions » :
- désormais, les personnes morales et les « groupements » pourront être fichés. Ainsi, pourront être concernés un syndicat, une association ou même des manifestations, par exemple ;
- vos habitudes de vie (l’orientation sexuelle est-elle une habitude de vie ?) ou activité en ligne, notamment l’activité sur les réseaux sociaux, peuvent être collectées ;
- le contenu des fichiers est étendu à certaines données de santé et aux photos (ce qui entraine une inquiétude sur le développement massif de la reconnaissance faciale).
On le voit donc : il s’agit d’une nouvelle attaque en règle contre les libertés publiques notamment une atteinte à la liberté d’opinion et au droit au respect de la vie privée et, tout particulièrement, contre les libertés syndicales. Elle est aggravée par le flou latent de certains termes volontairement vagues.
Plus largement, il est possible de faire le lien avec la loi Sécurité globale. En effet, alors que cette loi va autoriser des techniques de captation d’informations en masse (drones et caméras piétons), ces trois nouveaux décrets concernent la façon dont ces informations pourront être exploitées et conservées, pendant 10 ans, sans que cette surveillance ne soit autorisée ni même contrôlée par un juge.
L’élargissement des techniques de captation des données et des informations concernées par le fichage, leur centralisation, leur exploitation et la possibilité d’identifier, par reconnaissance faciale, les manifestants traduit la volonté du gouvernement de mettre en place un système autoritaire de surveillance policière.
Dans la continuité de son combat pour la défense des libertés, la CGT a donc décidé de déposer, avec d’autres organisations, un recours devant le Conseil d’État afin d’obtenir l’annulation de ces décrets symboles d’un autoritarisme en marche.
La CGT appelle tous ses syndicats déjà largement impliqués dans la lutte contre la loi Sécurité globale à se mobiliser autour de cette question centrale des libertés syndicales.
Montreuil, le 16 décembre 2020